Brésils I Amazonie
C’est le dernier état à avoir été intégré, au tout début du siècle dernier, au grand Brésil. Tout au Nord, à la frontière de la Bolivie et du Pérou, ce territoire de l’Amazonie a très vite attiré, venant de tout le pays, de nouveaux habitants. En 1941, le gouvernement, sous la pression des autorités américaines, envoie des habitants pauvres du Sertao et des cadres venus de Sao Paulo pour qu’ils reprennent la production de caoutchouc abandonnée pendant la crise de 1929. Il s’agissait de participer à l’effort de guerre et de préparer les projets de débarquement en France. Sur les 50 000 arrivants, beaucoup périrent – de maladies ou victimes des animaux sauvages. Pour s’installer et s’emparer de leurs territoires, ils chassèrent et tuèrent les populations indiennes. Mais les survivants s’installèrent et se mêlèrent aux populations indiennes Ashaninka, Jaminawa, Kaxinawá, Awá, Yawanawa, épargnant parfois les jeunes filles qu’ils ont soumises.… Depuis quelques années la région connaît une forte déforestation pour permettre le développement de l’élevage bovin. Les jeunes bêtes sont élevées dans l’Acre durant deux ans puis envoyées dans le Mato Grosso où elles sont engraissées, souvent avec des antibiotiques et adjuvants artificiels. Leur viande est ensuite commercialisée essentiellement aux Etats-Unis et en Europe.
Soudain l’Amazonie n’est plus ni un territoire exotique ni un fantasme de l’Eldorado, mais le lieu de gens, de gens qui nous regardent, travaillent, bougent avec élégance, se glissent parmi les troncs enchevêtrés et les herbes aux amples ondulations. L’Amazonie, même si une partie des photographies nous apporte des informations sur des activités, des situations, des maisons, est d’abord le lieu de ces gens. D’eux nous ne saurons peu de choses, comme toujours avec la photographie. Nous saurons peu de choses précises mais nous serons confrontés à l’évidence qu’ils ont profondément touché un photographe venu d’ailleurs qui n’a pas voulu les regarder comme étranges mais comme ses contemporains. Ces contemporains qu’il a choisi de mettre en forme en prêtant avant tout attention à la lumière, en cultivant cette tonalité de lumières filtrées comme la forêt peu en inventer. En s’interrogeant sur leur devenir, là où ils sont aussi bien que dans la grande ville qui les attire et dans laquelle ils risquent de se perdre à jamais.
Christian Caujolle